Thierry Suc - Interview (La Tribune de Genève - 31 août 2009)
INTERVIEW DE THIERRY SUC
Producteur du Tour 2009 et
Manager de Mylène Farmer
La Tribune de Genève (31 août 2009) -
Interview par Jean-Daniel Sallin
La Tribune de
Genève : Pourquoi avoir choisi le Stade de Genève
pour créer ce spectacle ?
Thierry Suc : Au début, il était prévu
de faire une tournée des stades en France. Le
problème, c'est qu'en juin les stades ne sont pas libres. A
cause du football. Nous avons donc opté pour une
tournée indoor - qui s'est terminée en juillet
à Moscou après 31 concerts. Restait
l'idée de faire le Stade de France... Avec sa
capacité de 30 000 places, le Stade de Genève
nous paraissait l'endroit idéal pour démarrer.
Pourquoi
Mylène Farmer a-t-elle attendu si longtemps pour "faire un
stade" ?
Il y a très peu d'artistes à pouvoir en remplir
un.
En France, ils ne sont que deux: Johnny et Mylène ! Et
Johnny
Hallyday a attendu d'avoir 50 ans pour s'offrir le Parc des
Princes... Faire un stade, c'est compliqué ! Il y a
beaucoup de contraintes. On ne peut pas accrocher ce qu'on veut,
il y a le problème de la pluie, de la lumière.
Cela a-t-il
été difficile de la convaincre ?
Nous avons eu une longue discussion. Et puis, un jour, elle a dit:
"O.K., on y va !" Ce n'était pas une petite
décision à prendre.
Comment s'est
déroulée la première rencontre avec
elle ?
C'était avant sa première tournée, en
1989… Comme pour tous les autres, on s'est choisis.
Ça part d'abord d'un amour pour la musique et pour
l'artiste. On se rencontre. Et il faut se sentir! C'est un
vrai choix, parce que je passe plus de temps avec mes artistes
qu'avec les gens qui partagent ma vie. Avec Mylène, c'est
une longue histoire de collaboration et d'amitié.
Après vingt ans, on n'a presque plus besoin de se parler
pour se comprendre. Et je peux vous dire que, vendredi soir
à Genève, je serai ému.
Symboliquement, ce sera un moment très fort.
Vous avez ensuite
accepté de gérer sa carrière. Pourquoi
?
Parce qu'elle me l'a demandé. J'ai
hésité. Parce que je ne savais pas faire
ça. Mais, avec elle et Laurent Boutonnat j'ai beaucoup
appris.
Est-ce facile de
travailler avec Mylène Farmer ?
Très facile. Parce que Mylène sait ce qu'elle ne
veut pas faire. Mon rôle consiste à l'accompagner.
A
faire en sorte qu'elle puisse exercer son art. Le temps où
les artistes étaient des marionnettes est révolu.
Il
n'y aurait plus de place pour un Colonel Parker ou un Johnny
Stark...
Le décor n'a
jamais paru si spectaculaire. Cela vous arrive-t-il de mettre le
holà?
On ne s'interdit rien au départ. On essaie de
délirer le plus loin possible. C'est la technique qui nous
freine ! Mais Mylène tient à son univers. Depuis
le
début de l'aventure, il y a un an et demi, elle participe
à chaque choix. Jusqu'à la texture des rideaux.
Si
elle doit faire trente séances avec Jean-Paul Gaultier pour
les
costumes, elle assistera à toutes. Elle s'investit dans
tous les corps de métier.
Ce qui frappe sur cette
tournée, c'est son plaisir d'être sur
scène...
C'est vrai, je crois que c'est la tournée où elle
est la plus épanouie. La plus heureuse.
Comment l'expliquer ?
Je ne sais pas. Le temps fait qu'on connaît les choses. On
en lâche certaines, on en prend d'autres. Mylène
arrive
à un âge où elle peut prendre
totalement du plaisir
sur scène. Mais je peux vous dire qu'elle a le trac pour
Genève...
On parle beaucoup du
mystère autour de Mylène Farmer...
Mylène n'est pas mystérieuse, elle est
discrète. Elle n'aime pas tout donner en pâture.
Elle n'aime pas faire de la télévision. Elle
déteste parler d'elle. Ses rendez-vous, elle les donne sur
scène. Elle y livre à son public ce qu'elle a
à livrer. Et puis, elle ne se reconnaît pas dans
les
émissions qui passent sur les chaînes
françaises.
Elle ne fera jamais la Star Academy.
Mais, avec ses fans
aussi, elle se révèle plutôt distante...
Le métier a changé. Quand un artiste passe cent
vingt
minutes sur scène, il ne peut plus signer des bouts de
papier
pendant des heures…... Mais la relation de Mylène
avec ses
fans est très forte. Et tout le courrier qu'elle
reçoit, elle le voit.
En 2006, lorsque
Mylène Farmer a décidé de faire ses
quinze concerts à Bercy, on a dit que ce serait sa
dernière tournée...
(il sourit) J'ai aussi lu quelque part que Mylène avait
déjà réservé le Stade de
France en 2011 pour fêter ses 50 ans. c'est faux ! Il
s'écrit et se dit beaucoup de choses. Quand on n'a pas
d'info, on les invente... Si je lui posais la question aujourd'hui,
elle ne le saurait pas elle-même. C'est elle qui
décidera du jour où elle arrêtera. Et,
comme je la connais, elle n'en fera aucune publicité.
Mais qu'est-ce qui
pourrait encore la motiver après le Stade de France ?
Il faut y réfléchir !