Woodkid - Interview ("Le Parisien") - 24 novembre 2022
Auteur-compositeur-interprète, réalisateur, musicien et graphiste
24 novembre 2022
"Le Parisien" - Interview par Eric Bureau
Interview publiée la veille de la sortie de l'album L'Emprise sur lequel Woodkid a composé et produit sept titres. Premier entretien accordé par l'artixte au sujet de cette collaboration avec Mylène.
Le Parisien : Quand vous êtes-vous rencontrés ?
Woodkid : Il y a un peu plus d’un an. Elle est venue dans mon atelier à Paris, le studio où je crée mes musiques et mes images, deux univers qui l’intéressent. C’était évidemment intimidant mais, par respect pour sa discrétion, je dirais juste qu’elle m’a mis extrêmement à l’aise. C’est moi qui ai fait le premier pas vers elle. Il y a deux ans, je lui ai envoyé mon deuxième album, « S16 », et elle a demandé à me rencontrer. Je lui ai envoyé ensuite une première maquette de chanson, qui allait devenir Invisibles, celle qui ouvre le disque.
Le Parisien : Que représentait-elle alors pour vous ?
Woodkid : Notre rencontre avait beaucoup de sens, comme une évidence. Mylène Farmer me fascine depuis longtemps. Sa musique m’accompagne depuis l’adolescence et sa manière de gérer sa carrière et d’être aujourd’hui une icône inattaquable est un modèle de sobriété et d’élégance. Pour moi, c’est de l’ordre du sacré, presque une image divine. Et en tant que jeune gay de province, c’est une figure qui m’a beaucoup accompagné et aidé dans des combats intérieurs. Faire cet album, c’était presque quelque chose que je lui devais.
Le Parisien : Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Woodkid : On a travaillé sur une année. Je lui envoyais des chansons avec ma voix. Elle se réappropriait mes lignes mélodiques et s’inspirait des musiques pour créer ses propres mots. Elle sait où elle va, c’est donc très facile de se laisser guider. C’est un album qu’elle voulait confident, très intime, et elle voulait que sa voix soit audible. Au studio Guillaume Tell, qu’elle connaît bien, cela a été assez rapide. Elle a enregistré ses voix seule, pour retrouver cette intimité. On a beaucoup travaillé avec l’orchestre symphonique, quelque chose d’étonnamment assez nouveau pour elle, une étape assez cruciale et émouvante.
Le Parisien : Sur la pochette, son avatar est en position fœtale...
Woodkid : C’est elle qui m’a proposé de créer son avatar, comme je l’avais fait pour moi sur « S16 ». Comme elle vénère la discrétion mais aussi le fantastique et l’imaginaire, cette réplique était parfaite. Vu que l’album parle d’emprise, elle a choisi cette pose pour faire écho à ses textes. Ma toute première idée était d’en faire une guerrière, une figure d’heroic fantasy, et on l’a déconstruite pour arriver à cette narration, de la fragilité à la puissance. On s’est beaucoup amusé à le faire, à partir de photos d’elle, de sculptures, de textures, de lumières… Elle a un avis très prononcé, et c’est très souvent le bon. Par exemple, sur la question du corps féminin, elle n’a vraiment pas peur de l’étrange et c’est très rafraîchissant pour moi.
Le Parisien : Vous êtes, paraît-il, devenus amis...
Woodkid : Disons qu’on passe beaucoup de temps ensemble. On a une passion commune pour les chiens et d’autres que je ne dévoilerai pas mais qui nous lient. Ce qui nous unit aussi, c’est qu’on est tous les deux passionnés par l’idée de faire notre travail au mieux mais tétanisés par l’exposition et la médiatisation.