Woodkid - Interview ("Libération") - 03 décembre 2022
Auteur-compositeur-interprète, réalisateur, musicien et graphiste
03 décembre 2022
"Libération" - Interview par Patrice Bardot
Interview publiée après la sortie de L'Emprise dont Woodkid a composé sept chansons. Il a également réalisé la conception graphique de l'album. Cet entretien est consacré aux visuels créés.
La collaboration
Elle prend sa source avec mon second album, S16 (2020), où graphiqement je m'étais caché derrière un double numérique que j'avais dessiné avec mes machines. Cela l'a séduite parce que c'est lié au mystère et à l'imaginaire. Dès notre première rencontre, il y a un an et demi, elle m'a dit : "Peu importe le nombre de chansons sur lesquelles tu travailleras, j'adorerais que tu fasses la pochette." Elle est donc venue me chercher à la fois pour la musique et les images. Elle voulait un peu de mon monde. Mais je ne pense pas avoir dirigé quoique ce soit, je me suis laissé emporter dans son univers, Mylène possède un avis très affirmé sur ce qu'elle veut dire et ce qu'elle veut faire.
Le point de départ
J'avais envie d'un album qui soit presque de l'héroic fantasy, l'emmener dans un univers très baroque, lyrique, un peu guerrier mais aussi extrêmement romantique et intime. Puis elle est arrivée avec le thème fondateur de l'intime, de l'emprise, de l'ultrasensisble. Il fallait exposer en images ce trouble sublime qui la définit, entre implicite et explicite. On s'est amusé en se demandant : "Si on te dénudait ? Si on te tirait les cheveux en arrière ?" Pour qu'on la montre comme jamais on ne l'avait montrée avant. Et c'est ce que devrait être un artiste, un personnage qui se dévoile, mais qui, en même temps, est une fiction.
La typo
On a travaillé avec Samuel de chez Regular. Il a amené ce rouge pantone très pétant. C'est une sorte de coup de poing pour réveiller le côté un peu mélancolique de l'image. Mais c'est le frère de Mylène qui a eu l'idée de mettre le texte sur le côté comme dans les disques d'imports japonais et on retrouve ainsi l'emprise avec cette bande de papier qui enserre l'album.
L'avatar
Il a été conçu grâce à la photogrammétrie qui consiste à prendre énormément de clichés du sujet puis de le remodéliser, comme une poupée numérique. J'ai dû reconstruire les cils un par un, replanter les cheveux, aller chercher des poses, des émotions dans les yeux. Il fallait que ce soit réaliste mais en même temps que cela crée un trouble. On ne sait pas si c'est vrai ou si c'est faux et cela définit bien Mylène. Il y a comme une idée d'illusion, de prestidigitation dans cette image. Quand elle a vu les premiers rendus, j'ai eu l'impression qu'elle se regardait dans un miroir, mais qu'en même temps, elle découvrait une autre personne.