Ingénieur son retour
Tour 1996, Mylenium Tour, Avant que l'ombre... à Bercy
Hiver 2006/2007
Fanzine MF&Vous
MF & Vous : Comment
êtes-vous devenu ingénieur du son ?
Xavier Gendron : J'ai été assistant un an chez
Pathé Marconi
et j'ai travaillé dans des
sociétés de son
lyonnaises où sont passés par exemple
Rémy
Blanchet qui fait partie de mon équipe actuelle, et Angel
Luiz
Cabrera (régisseur général des
tournées des Enfoirés ou de Zazie, ndlr). Angel
travaillait avec Rainbow Concert qui m'a
engagé sur la tournée de Vanessa Paradis en 1993.
J'y ai rencontré Willy Williams, chef
d'équipe pour Clair-Brothers, une
société
devenue aujourd'hui la plus grosse entreprise de son au
monde.
J'ai poursuivi comme assistant à la
régie sur le
Parc des Princes de Johnny Hallyday. Cinq mois plus tard,
j'ai
définitivement remplacé
l'ingénieur du son
qui partait en tournée avec Elton John. Depuis, je travaille
plus particulièrement avec le producteur Jean-Claude Camus
et
des artistes comme Michel Sardou et Mylène Farmer.
Comment avez-vous
été recruté pour le
retour sur
scène de Mylène après son exil
californien et la
sortie de l'album Anamorphosée
?
Très simplement. Roger Abriol était directeur de
production sur la tournée de Johnny et il a
été
celui de Mylène en 1996. Je suis rentré
d'une
tournée internationale avec le groupe Toto en mars 1996. Le
lendemain de mon arrivée, je repartais sur les routes avec
Johnny et à ce moment-là, on m'a
proposé la
tournée de Mylène. Je n'aurais jamais
pensé
faire partie de cette équipe ! Quant à Thierry
Suc, je le
connaissais un peu car il avait produit les tournées de
l'Affaire Louis Trio avec qui je travaillais en 1991 et 1993.
Mylène
s'est-elle habituée rapidement
au système des 'ear monitors' ?
Elle a très vite été une bonne
cliente.
C'est une artiste extrêmement angoissée
mais qui
fait confiance aux gens avec qui elle travaille. Elle avait en plus la
chance d'être entourée de musiciens
monstrueux qui
l'ont suivie ensuite, comme Yvan Cassar et Abraham Laboriel
à la batterie, qui étaient encore tous deux
inconnus du
grand public. C'était la première
tournée
d'Abraham en dehors des États-Unis, il avait à
peine 25 ans et il est aujourd'hui un des batteurs les plus
demandés au monde. Les rencontrer a
été une
expérience formidable. Grâce à Yvan,
j'ai
connu une tournée avec Claude Nougaro ! Il est aussi
exigeant
que talentueux, et c'est un plaisir de travailler avec lui.
Le mix que vous
réalisez pour Mylène durant le
concert est-il resté le même pendant dix ans ?
Non, il a nettement évolué au fur et à
mesure des
années. Il n'y a pas eu de modifications radicales
entre
1996 et 1999. En revanche, pour son dernier spectacle, elle est
arrivée plus affûtée que jamais, avec
une voix
beaucoup plus pleine et plus mature. Elle s'est fait
installer un
studio chez elle et a réellement
amélioré sa
technique vocale.
C'est assez
évident sur de nombreux titres du
concert d'Avant que
l'ombre...
... et cela m'a décontenancé puisque sa
demande
s'était modifiée en même
temps que son grain
de voix avait changé. En 1996, elle souhaitait entendre les
claviers, les séquences et sa voix. En 1999, nous lui avons
suggéré un mix moins
dépouillé et plus
complet. Cette année, cela s'est fait
d'office
dès les premières
répétitions.
Autre technicien
important aux côtés de
Mylène, votre acolyte Rémy Blanchet.
Il est difficile de s'occuper du mix de plus de cinq
personnes
à la fois, et j'ai établi ce
fonctionnement en duo
avec Rémy dès la tournée 1998 de
Michel Sardou.
Depuis, je ne m'occupe que de lui, et Rémy
s'occupe
de ses musiciens. Sur le Flashback
Tour, je m'occupe de Johnny
Hallyday et d'Yvan Cassar, qui désirent, chacun,
un mix
très différent : très rock pour
Johnny, plus
travaillé pour Yvan.
Pour les spectacles de
Johnny et Mylène, vous êtes
entouré d'un autre assistant, britannique cette
fois,
Steve Tang. Quel est son rôle ?
Lors du spectacle de 1996 et pendant le Mylènium Tour,
il commandait la
seconde console pendant le show. Sur Avant que
l'ombre…
à Bercy, je m'occupais personnellement du mix
des
deux
choristes, Esther et Johanna, celui d'Yvan, celui de Laurent
Boutonnat quand il était assis avec nous sur le
côté de la scène, et bien sûr
celui de
Mylène. Ce qui m'intéresse,
c'est de lui
donner l'envie de chanter, faire un mix dynamique.
Araignée
géante en 1996, descente et
arrivée
dangereuse de la tête d'Isis en 1999,
montée et
sortie éprouvante sur le grand escalier en 2006... vous
avez été servi en difficultés ?
C'était la première fois que je
participais
à des shows aussi compliqués. Avant le spectacle,
je
n'avais pas seulement le nœud au ventre pour mon
job, mais
pour tout. Tu te mets à flipper pour tous les postes durant
le
concert... On ne rigolait pas tous les soirs ! J'ai
appris
avec Mylène à gérer la pression
d'un show
où, si l'un d'entre nous fait une faute,
il casse le
travail de tous.
Vous avez donc fait
partie du staff technique du Mylènium
Tour et plus
récemment d'Avant que
l'ombre... à
Bercy. Cette
fidélité est-elle encourageante ?
Si je n'avais pas été
rappelé sur le dernier
Bercy, je dois avouer que je l'aurais probablement
très
mal vécu. Mylène fait partie des artistes
auxquels je
suis vraiment attaché humainement. Ce ne sont pas des gens
que
je vois en dehors de mon job, mais à chaque fois que je la
croise, c'est un pur moment de bonheur. Elle fait partie de
ces
artistes qui ont, comme Johnny, un rapport très particulier
avec
la scène. Dix minutes avant le concert, ils sont dans leur
loge
et ont tous les états d'âme et toutes
les excuses du
monde pour dire que rien ne va... mais dès
qu'ils
sont sur scène, ce sont des guerriers qui se font plaisir et
donnent du plaisir à leur public. Avant le show,
Mylène a
souvent peur et quand elle sort du décor - peu
importe par
où... selon les tournées -
c'est comme
une délivrance !
Vous êtes au
plus près de l'artiste.
Ressent-on directement son adrénaline ?
C'est justement ce qui me plait dans mon travail.
L'ingénieur du son retour est la
première personne
que voit l'artiste quand il entre en scène.
C'est un
moment de tension extrême où tout peut arriver et
je crois
qu'au fur et à mesure des années de
travail avec
Mylène, nous sommes arrivés à
établir une
confiance et comprendre nos psychologies. Un seul regard doit suffire
pour que je comprenne ce qui ne va pas et la rassurer. Elle nous
appelle d'ailleurs, Michel Marseguerra (son
régisseur plateau, ndlr) et moi, ses "anges gardiens".
Le contraire est
évidemment vrai. On ressent aussi
très bien les mauvais shows, non ?
Quand l'artiste passe tout le concert à te
regarder avec
des yeux furieux, tu sais que tu seras convoqué en loge
après le spectacle ! J'ai parfois fait des
bêtises
sur des concerts de Mylène. Un soir, lors du Mylènium Tour,
j'ai oublié d'ouvrir le click du
batteur.
L'ouverture du show sur Mylènium
nécessitait qu'Abraham prenne des
repères
qu'il n'avait plus. Il n'a pas
commencé et la
statue s'est ouverte sur Mylène qui
s'est
envolée sans batterie. Il y avait 7 000 personnes dans
la
salle... Nous avons dû recommencer. Et
c'était
uniquement de ma faute.
L'absence de balances
avec Mylène est-elle
justement un versant problématique ?
Non, c'est simplement une pression de plus sur les premiers
morceaux du concert. En tournée, nous ne sommes ni
affranchis de
l'acoustique de chaque salle ni du retour de
façade,
surtout dans les sons graves. Nous ne savons pas quel sera
l'équilibre tonal. De plus, il n'y a
rien de plus
subjectif que l'audition ! Le premier concert de chaque
tournée, c'est l'enfer pour tout le
monde...
Plus d'une fois, je n'ai pas dormi la nuit qui
précédait les premiers shows de Mylène.
Quel a
été le plus gros challenge pour vous sur
Avant que l'ombre...
à Bercy ?
Faire marcher les systèmes sans fils ! Pourquoi ? Jamais je
n'ai eu de galères avec ce système. Or
sur ce
Bercy, plus de 80 fréquences marchaient en
même
temps dans un environnement métallique
inégalé. Il
fallait que les retours de Mylène marchent partout : aussi
bien
sur la scène principale de 40 mètres, que
sur le
scène secondaire au centre de la salle avec 50
mètres de plus, aussi bien sur le lustre pendant son vol -
ce qui lui faisait faire un immense détour - que
dans
l'ogive du début du show. En cas de
problèmes et
à partir du moment où elle était en
l'air
dans la capsule, j'étais la seule personne
à
pouvoir lui parler, son unique lien avec la terre fermer !
Comment se
répartissent les rôles entre
Mylène Farmer, Laurent Boutonnat et Yvan Cassar ?
Mylène et Laurent forment un véritable duo,
même si
au final, Mylène a le dernier mot. C'est un
honneur
d'entrer ne serait-ce qu'un instant dans la vision
qu'ils ont de leur spectacle. Assister à des
réunions de production avec eux, c'est
fou... Ils ont
une centaine d'idées à la minute !
Quant à
Yvan, il était au service de Mylène et Laurent
pour
proposer ses idées d'arrangements musicaux.
Cet Avant que
l'ombre... à Bercy
n'est, somme
toute, qu'un énorme travail
d'équipe !
Fondamentalement, si tu es incapable de travailler en équipe
et
de composer avec de fortes personnalités, tu ne dois pas
faire
ce métier. Ou alors, tu ne restes pas longtemps dans
l'univers des tournées.