Extraits de l'interview
de Yvan Cassar publiée dans le
magazine Platine en octobre 2009 concernant Mylène (propos
recueillis le 25/09/2009)
Les artistes sont-ils
fidèles ?
Je crois. Si vous regardez bien, j'ai été
longtemps avec Johnny sur scène. Avec Florent Pagny, on a
déjà fait deux albums et deux
tournées. Quant à Nougaro, j'ai fait la
tournée après l'album de 2000, et c'est moi qui
ai réalisé l'album posthume
La note bleue. Je
crois qu'avec Nougaro, cela a été l'aventure de
ma vie. Et je travaille toujours avec Mylène...
Depuis 1994, vous n'avez
cependant pas joué sur tous les albums de Mylène,
vous étiez sur l'avant-dernier Avant que l'ombre...,
pas sur le dernier Point
de Suture, pourquoi ?
Non, parce que le couple qu'elle forme avec Laurent n'a pas toujours
besoin de moi. Laurent Boutonnat, qui est arrangeur, producteur...,
m'appelle quand il a besoin de moi. Et s'il n'a pas besoin, il n'a pas
besoin...
Faire trois
tournées à la suite avec un même
artiste comme cela a été le cas avec
Mylène ou Johnny, n'est-ce pas difficile ? N'avez-vous pas
des problèmes à toujours trouver de nouveaux
arrangements pour les tubes incontournables de chacun d'eux ? Libertine par exemple ?
En l'occurence,
Libertine,
ça allait parce que je ne l'avais pas faite beaucoup.
J'imagine cependant
qu'avec Mylène, il y a des titres que vous avez dû
renouveler quatre fois...
Si, si, si... Mais c'est très amusant. C'est ça
le bonheur de la musique. Pour Mylène, il y a cette
dimension, c'est vrai, mais pour celui où elle existe le
plus, c'est Johnny. j'ai dû faire cinq versions de
Que je t'aime.
Vous ne devez pas
être loin avec Désenchantée ?
Euh... J'ai bien dû la faire trois fois... (sourires)
Ensuite, il y a des versions que j'aime moins, car ces
dernières se font à des moments précis
et tiennent compte du son du moment. La manière dont on a
fait
Désenchantée
en 2009 est vraiment dans l'humeur du temps. Je n'aurais
pas pu la faire il y a trois ans. Quand on a fait la tournée
Flashback
avec Johnny, j'ai fait une version très acoustique de
Gabrielle car on
tournait "indoor" (en salles pas en extérieur, ndlr). Ca
dépend aussi des salles.
Adaptez-vous les
arrangements à la mise en scène ?
Non, avec Johnny,c'est la musique qui commande. C'est elle qui
détermine le choix des musiciens, leur nombre... La mise en
scène se construit ensuite.
Est-ce courant que vous
soyez intégré à la mise en
scène ? Avec Mylène, au Stade de France, vous
étiez déguisé en
ecclésiastique...
Non, parce que c'est la spécialité de
Mylène de créer des personnages... Mais c'est
divertissant, ça change un peu... Ca m'a fait
également un drôle d'effet d'arriver sur la
scène centrale de Bercy en pape il y a trois ans. Dans la
vie, il faut faire des choses qu'on a jamais faites. J'ai vu trop de
gens de ce métier aigris pour finir comme eux. Je n'ai pas
envie de perdre l'envie de faire de la musique. Même si plus
personne ne m'appelle, ce qui peut m'arriver ce métier
étant fait de modes, j'espère que j'aurai
toujours un piano pour jouer, même seul, dans mon coin.
(...)
Il reste
Mylène Farmer. Quelle est sa grande qualité ?
La grâce et l'émotion.
Avez-vous
été étonné qu'elle s'en
sorte si bien lors des pannes du 11 septembre au Stade de France ?
C'est incroyable, cette artiste, la manière qu'elle a de
communiquer, je pourrais dire de communier, avec son public. Cette
générosité... J'ai fait des Stades de
France avec Johnny et avec Mylène, qui sont vraiment la
thèse et l'anti-thèse : homme et femme, grosse
voix et voix très fragile, et force est de constater que les
deux sont des bêtes de scène. Mylène ne
m'a pas étonnée dans les pannes car je ne fais
pas que lire certains articles de presse, je la connais bien et je sais
ses capacités...
D'improvisation ? Elle ne
les montre pas souvent...
Elle n'a pas à les monter, mais c'est quelqu'un
d'extrêmement charismatique avec
énormément de capacités.
Au fait, quelle a
été l'origine des pannes ? L'avez-vous su ?
Je ne suis pas assez compétent en technique pour vous en
parler.
Avec toutes les
scènes que vous avez faites avec Mylène ou
d'autres, cela vous était-il déjà
arrivé ?
Non, c'est la première fois. Mais cela nous a permis de
vivre quelque chose d'incroyable. Je ne pourrai jamais oublier ce
moment où le Stade s'est mis à chanter
à fond
Désenchantée
à la place de la sono. Pour ne pas être pris au
ventre, il faudrait vraimenet être de marbre. De toute
façon, les Stades qu'on vient de vivre avec
Mylène resteront tous de grands souvenirs. Surtout
grâce à la scène centrale. J'avais
déjà fait une scène centrale avec
Johnny, mais elle était à 30 mètres de
la scène principale. Celle-ci était à
65 mètres. Se retrouver tous les deux au milieu d'un stade
est juste quelque chose d'exceptionnel. Se retrouver en communion avec
cette marée humaine m'a transporté. La
qualité d'écoute a atteint des sommets pendant
ces piano-voix : on a entendu les mouches voler... je suis
faigué d'entendre ou de lire des choses
désagréables sur Mylène parce que
c'est quelqu'un qui chante extrêmement bien dans son
registre. Mylène a une voix qui est extrêmement
suspendue, qui a maintenant une maturité superbement
intéressante... Et puis, il faut y aller pour chanter quatre
pianos voix de suite dans un Stade de France blindé ! En
chantant toutes les notes ! C'est une performance de haut vol.
Le sujet
Mylène Farmer semble vous énerver ?
Non, je dis juste que ce n'est pas parce qu'on n'a pas une grosse voix
qu'on ne chante pas bien.
Vous conviendrez quand
même que ses
interprétations étaient plus dans
l'émotion que dans la justesse, en tout cas le 11 septembre
au Stade de France... ceci dit, c'est bien qu'elle ouvre enfin vraiment
les micros...
J'entends souvent dire que Mylène fait du play-back, mais
c'est faux. Cela fait quatre spectacles que je fais avec elle et on n'a
jamais fait de play-back !
Les musiciens, non, mais
Mylène ouvre plus ou moins les micros : il y a des voix
enregistrées pour la soutenir et les choristes se chargent
des notes les plus hautes, non ?
Moi, ce que je vous dis, c'est qu'elle chante toutes les chansons du
début à la fin et qu'elle ne fait jamais de
play-back. Et qu'il faut y aller ! Parce que danser et chanter en
même temps, ce n'est vraiment pas facile. Mylène
met un point d'honneur à ne jamais faire de play-back et je
trouve que c'est vraiment très courageux et tout
à son honneur. Et si vous me le demandiez, je vous dirais :
le plaisir que j'ai à faire ces spectacles qui sont
liés à sa gentillesse, le bonheur que j'ai de
travailler avec elle et avec son producteur qui est un homme
exceptionnel. Il s'appelle Thierry Suc et je l'adore par-dessus tout.
(...) Mylène a cette capacité à vous
mettre le frisson avec sa voix suspendue un instant, c'est quelque
chose qui n'appartient qu'a elle. Sa capacité à
transmettre des émotions comme ça est quelque
chose de miraculeux. La qualité de son timbre naturel est
unique. Et moi, je me régale avec elle...
Quelle est la chanson de
Mylène que vous préférez ?
Ainsi soit je.
Il y a plein de chansons que j'aime beaucoup mais, celle-là,
je la trouve absolument sublime.