Invité sur France Musique, Yvan Cassar a évoqué sa longue collaboration avec Mylène notamment sur les concerts pendant près de vingt ans.
Yvan Cassar est un collaborateur de longue date de Mylène.
Il a notamment assuré la direction musicale des spectacles Tour 1996, Mylenium Tour, Avant que l'ombre... à Bercy, Tour 2009 et Timeless 2013.
Invité de l'émission "Etonnez-moi Benoît" diffusée sur France Musique samedi 08 février 2020, il est longuement revenu sur son travail auprès de Mylène.
(partie consacrée à Mylène à partir d'environ 28')
Yvan Cassar a d'abord collaboré avec Laurent Boutonnat. Ils se sont rencontrés au début des années 90 alors que le musicien travaillait sur l'album de Réjane Perry, Altitude, sorti en 1991. Cet album avait été enregistré au Studio Méga où travaillaient également Mylène et Laurent à l'époque.
"C'est vrai que c'était un studio à la mode à l'époque parce que c'est là que Mylène faisait tous ses disques avec Laurent Boutonnat à l'époque. (...) J'ai rencontré Laurent Boutonnat. Il était avec l'ingénieur du son (Thierry Rogen, ndlr), et il s'est dit : "Tiens, y'a un gamin qui fait des trucs improbables à côté." Il faut aussi se repositionner dans le monde de la chanson à cette époque-là. On est post années 80 avec que des synhés. Il n'y a plus de cordes, il n'y a plus de piano. On n'est pas dans l'acoustique. J'étais jeune dans la chanson, dans la production sonore mais un peu plus armé dans l'acoustique et dans l'écriture, du coup, ça surprenait. En même temps j'ai rencontré Laurent et j'ai fait avec lui la musique de Giorgino son premier film ce qui a déclenché ma rencontre avec Mylène par la suite."
Benoît Duteurtre : Mylène Farmer, vous vous rappelez la première fois que vous avez parlé avec elle ?
Yvan Cassar : "J'étais dans le studio et entre les studios il y avait une petite pièce. On s'est dit bonjour entre le studio A et le studio B. Tout simplement.
Elle était gentille ?
Tout à fait ! Il faut arrêter avec ces idées totalement préconçues. C'est une femme absolument charmante et tout à fait ouverte.
Elle était déjà une super star... 1995-1996...
Elle était LA grande star. Bien sûr... J'étais impressionné mais elle aussi et la relation au début a été un peu timide. Mais j'ai d'abord travaillé pour Laurent avant de travailler pour elle.
Il était vraiment son bras droit musical, Laurent Boutonnat...
Oui, il faisait les chansons, il produisait, etc.
C'est lui et c'est elle qui vous ont proposé de devenir le musicien des grandes tournées de Mylène Farmer ?
Oui... C'est-à-dire qu'elle avait fait un spectacle à Bercy puis elle avait arrêté pour longtemps. puis ils ont remonté en 96 cette tournée, et ils m'ont proposé... Laurent m'a proposé d'être le directeur musical, et ça a été une chance parce que ce sont des expériences qu'on n'a pas l'habitude de vivre, qui sont assez exceptionnelles. Parce que c'est beaucoup de budget donc ce sont des grandes équipes, ce sont des shows à l'américaine. C'est un peu simple de dire ça maintenant où on est un peu plus habitué à ces shows, mais à l'époque, c'était un peu plus exceptionnel. Donc, ça m'a formé à travailler avec beaucoup de gens, des équipes, coordonner des choses. Tous les musiciens étaient américains donc, même pour moi, c'était un stress parce que mon anglais n'était pas sublime. J'ai pris trois mois de cours d'anglais en courant (rire). Mais, ça a été très formateur.
Vous pouviez déjà apporter votre touche personnelle ou il s'agissait surtout de de faire les chansons de Mylène Farmer telles qu'elles avaient été conçues au départ ?
Non... Comme on se connaissait bien déjà avec Laurent, c'était l'occasion aussi de développer certains aspects qui m'étaient chers. Le travail avec le musicien... Parce que quand on est directeur musical et arrangeur pour un show, ce n'est pas pareil que de faire un disque. Le rapport aux musiciens, à qui joue quoi, comment, avec quel son, quel instrument... Il y a toute une problématique qui se pose et qui n'a rien à voir avec le fait d'être en studio où on peut choisir, et on peut passer cinq heures sur le son, et on refait. Donc, la musique de Laurent, elle était très novatrice car elle était très très orientée sur la programmation, sur l'électronique, etc. Donc, moi, ma tâche, c'était d'abord de faire une interface entre eux deux et les musiciens et de traduire ça et d'avoir un rendu, et dans la manière de jouer - parce que c'est très important l'interprétation - et puis le rapport sonore, de production. Et puis, après, ça a duré sur vingt ans, donc sur vingt ans, on a développé des choses, et petit à petit, ma place a été plus importante parce qu'ils me faisaient aussi confiance, ils savaient que je pouvais faire les interludes....
Une histoire de fidélité, d'amitié, on peut dire ?
Tout à fait ! Presque tous les artistes avec qui j'ai travaillé, ce sont des histoires de long terme. J'ai vécu de longues choses. On apprend à mieux se connaître, et du coup, on a un peu moins peur du chanteur. La collaboration se développe.
Diffusion d'extraits de Pourvu qu'elles soient douces et d'Ainsi soit je... au Stade de France en 2009.
Là, c'est vraiment votre duo avec Mylène Farmer, Yvan Cassar ! (à propos d'Ainsi soit je... au piano voix en 2009, ndlr)
Oui. C'est vraiment quelque chose que j'aimais dans ce spectacle... Quelle que soit la musique qu'on accompagne - moi, j'ai toujours adoré accompagner les chanteurs au piano - c'est l'émotion partagée et d'accompagner. Donc, là, ce qui est intéressant, c'est que c'est libre. Avec Mylène, le temps peut se supendre à un moment donné, parce qu'elle va s'arrêter... On entendait au début comme ça où j'improvisais puis au milieu... Il y a une espèce de liberté que j'aime beaucoup dans ces moments d'intimité. Et puis, dans ces gros shows, de faire quelque chose de très resserré, c'est chouette.
Ça contraste avec ce qui précède. Là, on est vraiment dans la grosse sono, et puis tout d'un coup, un piano, une voix...
Ce sont des très bons moments. (...) En fait, l'histoire de ce show de 96, c'est que les musiciens, c'était une équipe amérciaine qu'on avait castée avec Laurent Boutonnat. Et le batteur était un tout jeune batteur qui avait fait très peu de choses à l'époque, qui s'appelle Abraham Laboriel Jr. Son père est une légende de studio de la basse américaine. Il fait partie des dix bassistes qui ont le plus enregistré. Étant très porté sur la musique américaine soul, west coast quand j'étais ado, je conaissais très très bien son père. Et j'ai vu arriver ce jeune garçon qui avait dix-huit ans. Le principe de ces équipes à l'amércaine, on fait des auditions, et on fait passer vingt batteurs. Là-bas, il n'y a pas de problème. J'ai d'ailleurs toujours regretté beaucoup ça en France qu'on ne fasse pas ça, parce qu'on ne donne pas la chance... On peut voir ça comme une offense ou un problème d'égo, mais moi je le vois plus comme une chance, c'est-à-dire qu'à tout moment, même si on n'est pas connu, on fait l'audition, et si on est meilleur, on a le job. Et je trouve ça vraiment génial. Et la preuve, il y avait ce jour-là des batteurs très confirmés. Et, est arrivé ce jeune, Abraham Laboriel Jr, et on s'est dit : "Qui c'est ? C'est dingue !" Et il y avait aussi un guitariste qui s'appelait Brian Ray, et ces deux musiciens se sont retrouvés à être embauchés sur la tournée de Johnny pour le Stade de France en 98 parce que Johnny les avait vus avec Mylène en 1996. Une chose en entraînant une autre, on a fini par m'appeler pour la direction musicale du Stade de France de Johnny Hallyday.
ça serait intéressant de voir Cassar composer quelques titres piano-voix pour un album de Mylène.