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Mylène Farmer - Interview - L'Est Républicain - 30 octobre 1988



  • Date
    30 octobre 1988
  • Média / Presse
    L'Est Républicain
  • Interview par
    Jean-Paul Germonville
  • Fichiers
    Mylène Farmer Presse L'Est Républicain 30 octobre 1988  Mylène Farmer Presse L'Est Républicain 30 octobre 1988
  • Catégories interviews



L'Est Républicain : Le clip de Pourvu qu'elles soient douces est la suite de Libertine.
Mylène Farmer : Les deux thèmes se liaient bien. Laurent Boutonnat a écrit un scénario dans ce sens. Le tournage a duré huit jours. Nous avons fait appel à 500 figurants. Ce qui est colossal pour une vidéo. Il y avait même un conseiller historique. Certains nous disent : où avez-vous trouvé l'argent pour mener à bien une telle production ? Nous investissons nos propres deniers préférant manger des pâtes tous les jours et s'offrir ce genre de création.


Il n'y a pas d'exploitation possible dans les salles de cinéma ?
Absolument interdite ! Même si cela paraît aberrant, ils ont trouvé le clip trop long. Quand on leur présente quinze minutes, ils en veulent dix et ainsi de suite. Ils ont même trouvé cela trop beau pour le film qui allait suivre. Il ne reste que la télévision.


Tu n'as pas comme pour Libertine travaillé au scénario ?
Je collabore, c'est vrai, souvent avec Laurent, que ce soit pour les musiques, le studio, les scénarios précédents. Cette fois, j'ai laissé faire. Ils y ont travaillé à deux. À trois, tout se serait compliqué. C'était, pour moi un peu comme quand un metteur en scène présente un synopsis.


Tu as pensé à Libertine en écrivant le texte de cette chanson ?
C'est complètement innocent. Innocent aussi par rapport à cet événement qui se prépare, le bicentenaire de la Révolution Française. Nous n'y avions pas songé.


Vous avez plus que d'autres compris la force de la vidéo liée à la chanson. Un truc que les anglais appliquent depuis longtemps.
Certaines maisons de disques, je ne parle pas de la mienne, jugent cette démarche inutile. Des personnes veulent peaufiner plus leur image que d'autres. Nous avons, Laurent et moi, un amour du cinéma. Il a besoin de créer également dans ce domaine. Je ne peux dissocier chanson et images. J'ai d'abord voulu être comédienne.


As-tu des projets de vidéodisque ?
Trois français se sont déjà impliqués dans ce type de création. Ainsi soit je... a été exploité de cette façon. Nous avons un petit peu fait figure de précurseurs en réalisant une compilation de clips.


Et le cinéma ?
Je peux dire aujourd'hui que Laurent Boutonnat a un projet de long-métrage. Il y a avant, une scène à effectuer. Ensuite, il pensera cinéma sans oublier la chanson. Moi aussi peut-être. Cela dit avec des points de suspension.


Quelle a été votre façon de travailler pour ce second album à l'instant de lier musique et textes ?
Les mélodies sont toujours faites avant. Le thème de Sans contrefaçon était, par exemple, dans mon esprit depuis longtemps. Je tenais à écrire Allan puisque Edgar Poe me passionne au point de vouloir le faire exister dans une chanson. J'aime beaucoup Léo Ferré, ce côté narratif de certains de ses titres. Nous y avons pensé en réécoutant une composition. Baudelaire, que j'apprécie également, s'est presque naturellement imposé pour ce type d'approche.


Pourquoi avoir choisi L'Horloge ?
Le thème du temps qui passe m'obsède. C'est un de ses plus beaux poèmes, un de ceux qui n'a pas été décortiqué.


Jardin de Vienne :
Jardin de Vienne traite d'un événement qui a été proche et concret pour moi à un moment donné.


Parlons de la scène. Le grand événement de ta vie ?
Je ne peux pas encore en dire grand-chose si ce n'est que ça sera le Palais des Sports en mai 89. Nous construisons actuellement le scénario. J'ai vraiment attendu le moment venu pour tenter cette expérience. Aujourd'hui, j'ai envie d'y aller. Je m'en sens capable. On entame un deuxième cycle.


Tu répètes déjà avec des musiciens précis.
Je ne veux pas trop en parler. Je me prépare physiquement, comme peut le faire un acteur avant de se plonger dans un rôle. Je vais avoir un entraîneur avec qui courir. Je travaillerai le chant. Il y a également une alimentation particulière. Il y a six mois, je ne connaissais pas le jus de tomate. Quant aux musiciens, j'aimerais notamment Slim Pezin qui a déjà beaucoup pris part à mon travail. Sera-t-il disponible ?


On s'attend de la part de Mylène Farmer à un show très visuel.
Ce tour de chant ne sera pas traditionnel dans la mesure où je ne serai pas plantée derrière mon micro. De là à penser que la scène vomira du feu, de l'eau, l'enfer... Je plaisante ! Mais des gens, souvent, me disent : "Alors, vous allez projeter vos clips !" J'espère qu'il se passera des événements peu ordinaires.


Laurent Boutonnat participe à la mise en scène ?
Nous serons trois pour l'élaborer. Gilles Laurent est venu se greffer à notre équipe. La chorégraphie sera plus mon domaine. Ce qui n'empêche pas le dialogue.


Les deux albums figureront au répertoire ?
Seize titres environ. Un condensé des deux disques avec une place plus conséquente pour le second.


Tu as prévu des inédits ?
Une nouvelle chanson. Et puis une surprise, certainement !


Tu réaliseras un album public pour l'occasion ?
Pourquoi pas. Il faudra aussi quelqu'un pour filmer le spectacle. Cette fois, Laurent ne pourra le faire. Sinon, je serai la seule à ne pas me voir. Je suis très critique pour tout ce qui me concerne. Ce film ne peut être qu'un bon miroir.


Pourquoi avoir choisi le Palais des Sports ?
Je ne voulais en aucun cas commencer par l'Olympia. Je trouve, contrairement à beaucoup, que cette salle a perdu de son charisme, de sa magie. Je ne voulais pas, d'autre part, d'un lieu intimiste. J'ai besoin de grands espaces, d'une respiration tout en restant proche du spectateur.


Une composition de ton album, La ronde triste, est en anglais.
La musicalité de cette langue se prête tellement bien à la chanson. Je bénis pourtant les dieux qui ont fait que je sois de souche française. On imagine mal Allan ou L'Horloge dans une autre langue. Je veux exister sur autre chose qu'un simple tempo musical.


Pourquoi cette reprise de Déshabillez-moi ?
Je tiens à souligner le côté humoristique de la démarche. J'ai toujours préféré Barbara à Juliette Gréco. Chacun connaît Déshabillez-moi parce que les parents, les grands-parents même connaissent. J'ai eu envie de déguiser, de 'rhabiller' cette chanson.


Baudelaire te fascine.
Je le découvre de plus en plus. Je lis des biographies.


Tu te reconnais dans les écrivains du XIXè siècle ?
Je n'arrive pas à m'extraire de cet univers. Toute la littérature que je veux égrener vient de là. Je me sens bien dans les choses un petit peu plus désespérées que désespérantes. Ma vision de la vie est ainsi. Quant à penser que ce soit la bonne thérapie !