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Mylène Farmer - Interview - Pour un clip avec toi - M6- 07 avril 1991



  • Date
    07 avril 1991
  • Média / TV
    Pour un clip avec toi - M6
  • Interview par
    Laurent Boyer
  • Fichiers
  • Catégories interviews



Interview réalisée sur le tournage du clip Désenchantée en Hongrie au mois de février.


Laurent Boyer : C'est en direct de Budapest, en Hongrie, en fait à la sortie de la ville, que nous sommes installés pour le cinquième jour de tournage du clip qu'on attendait, enfin du clip et du 45 tours de Mylène Farmer qui s'appelle Désenchantée, que vous entendez à la radio déjà depuis le 18 mars, dans l'attente d'un album qui s'appelle L'autre..., et qui sortira le 8 avril.  Alors, déjà, merci à Mylène de nous recevoir ici, parce que c'est la première fois qu'une équipe de télévision - petite, l'équipe - a le droit de s'installer sur le tournage d'un clip. C'est bien la première. Bonjour Mylène !
Mylene Farmer : Bonjour (elle sourit puis baisse la tête, les yeux plongés vers le sol).


Laurent Boyer : Alors vous découvrez une Mylène Farmer un peu... on comprend pas bien quoi... On se dit qu'elle est sortie d'un roman de Charles Dickens. Vous voyez que ce matin, on l'a un peu tabassée. Elle a un petit peu de sang qui coule des lèvres. Elle a beaucoup souffert et elle est habillée, comme d'habitude, par Thierry Mugler ou encore Amor, comme on peut le constater. Mylène, bienvenue. Merci de nous recevoir ici, c'est très joli. (en regardant vers l'arrière) Je crois que ça, c'est en fait l'image du début du clip ?
Mylène Farmer : Oui.


Laurent Boyer : Je crois que le clip commence comme ça. On est en plein tournage donc on est comme vous, on découvre un petit peu l'ambiance de ce clip. Alors, c'est Mylène Farmer dans cette tenue-là qu'on découvrira dans le clip...
Mylène Farmer : Sans le manteau !


Laurent Boyer : Sans le manteau, parce que le manteau a un côté un peu plus mode...
Mylène Farmer : Un peu moderne.


Laurent Boyer : Il faut dire qu'il ne fait pas très chaud. Cinquième jour de tournage. Il y a combien de temps que tu es installée ici, Mylène ? Ça fait une huitaine ?
Mylène Farmer : Ça fait à peu près huit jours.


Laurent Boyer : Je sais que c'est pas très facile pour toi parce qu'il y a les conditions climatiques qui ne sont pas évidentes. Je crois qu'il a fait très froid la semaine dernière...
Mylène Farmer : Oui, beaucoup plus froid qu'aujourd'hui.


Laurent Boyer : Là, ça va un petit peu mieux. On a droit au soleil sur Budapest. C'est assez joli. Et puis, tu te lèves très tôt, et vous tournez toute la journée, c'est ça ?
Mylène Farmer : On a des horaires un peu différents chaque jour. Mais ce matin, on s'est levé à cinq heures du matin.


Laurent Boyer : Alors, cet album arrive. On en a beaucoup entendu parler. Et quoique, puisque ça fait un moment que tu es absente, en fait. Depuis le dernier Bercy, on n'entend plus parler de Mylène Farmer. C'est-à-dire qu'il y a eu...
Mylène Farmer : Je crois que ça fait un peu plus d'un an, maintenant.


Laurent Boyer : Qu'est-ce qui s'est passé ? C'était une retraite ou c'était le temps de la création ?
Mylène Farmer : Je crois que c'est un petit peu des deux. Je crois qu'on a besoin de se cacher après une scène. C'est beaucoup d'émotion. Et d'autre part, j'ai préparé le... troisième album, je crois ?


Laurent Boyer : C'est le troisième. Je te le confirme.
Mylène Farmer : Le troisième. Et ma foi, voilà, ça a pris à peu près quatre, cinq mois de studio.


Laurent Boyer : De studio, et de création aussi, d'écriture, parce que tu as écrit...
Mylène Farmer : Oui. Toute l'écriture, c'était vraiment sortie de scène jusque entrée en studio.


Laurent Boyer : Est-ce qu'on peut dire...Cet album, on n'en parle pas encore. Il sort le 8 avril, donc on ne sait pas encore... personne n'a écouté. On sait qu'il s'appelle L'autre.... Il y avait Ainsi soit je..., il y a L'autre... maintenant. C'est quoi, c'est une continuité cet album ?
Mylène Farmer :  J'ai un petit peu de mal à m'expliquer quant au contenu d'un album. Mais, je dirais que c'est de la même veine. C'est très difficile pour moi. C'est quelque chose d'assez mystérieux finalement. Même pour moi.


Laurent Boyer : Y'a que toi qui a écrit sur cet album ?
Mylène Farmer : Oui.


Laurent Boyer : Ou on trouvera d'autres textes, d'autres gens ? Y'a une dizaine de titres, c'est ça ?
Mylène Farmer : Oui. Il y a à peu près dix titres. Il y en a même dix. Et non, je suis la seule à écrire. J'ai délaissé les poètes. (rires)


Laurent Boyer : Bien. Les conditions de tournage, vous le verrez, parce que vous allez voir énormément d'images du tournage... on en profite en fait puisque tu nous reçois ici,. Vous allez découvrir de quelle façon Laurent Boutonnat et Mylène Farmer travaillent sur un clip, sur ce clip qu'on découvrira tout à l'heure, Désenchantée. Vous le verrez par deux fois, ce clip, avant la fin de l'émission, deux versions différentes. Il y a à peu près une centaine de figurants ici ?
Mylène Farmer : C'est ça.


Laurent Boyer : Des enfants. Alors, pourquoi avoir choisi des enfants ? Et, des enfants hongrois en fait, à Budapest. Y'a une raison particulière ?
Mylène Farmer : Il y a plusieurs raisons pour le choix de la Hongrie. Il y a d'abord la neige. On voulait un paysage de neige. D'autre part, effectivement, on voulait beaucoup de figurants. Et, on voulait surtout des enfants qui portent quelque chose de grave dans le visage, dans le regard. C'est vrai que les pays de l'Est, pour ça, c'est fabuleux. D'autre part, il y a beaucoup, beaucoup de techniciens en Hongrie qui sont très, très performants et professionnels. Et enfin, une des dernières raisons, c'est que c'est beaucoup moins cher, et qu'on peut faire des choses grandioses avec peu de moyens, finalement.


Laurent Boyer : Est-ce que ça veut dire que ça va être dans la lignée aussi de l'imagerie Mylène Farmer ? Parce que c'est vrai que Mylène Farmer, on l'associe aux clips, clips scénarisés qui sont en fait des films, on ne peut même plus parler de clips, on parle de films. Est-ce que c'est dans la même veine et ça s'inscrit toujours dans cette veine scénarisée et à grand spectacle ?
Mylène Farmer : Ce sera la même chose. C'est la même écriture et le même réalisateur. Et pratiquement la même équipe à chaque fois, sur chaque tournage.


Laurent Boyer : Est-ce qu'on peut dire aussi que, quelque part, en fait, si vous venez tourner ici, en Hongrie, à Budapest... On y pense souvent quant à toi... tes ambitions cinématographiques peut-être, et celles de Laurent... On peut se dire il y a peut-être aussi... On sait que Cyrano de Bergerac a été tourné en Hongrie. On peut se dire qu'il y a peut-être aussi, pour toutes les conditions que tu nous as données, les prémices d'un futur long métrage ou le moyen de repérer aussi pour un long métrage.
Mylène Farmer : Ça, c'est quelque chose d'envisageable, qui a été envisagé. Mais j'avoue que, pour l'instant, c'est quelque chose qui n'existe pas. Et puis, c'est quelque chose qui appartient à Laurent, en tout cas, pour l'instant. Donc, en fait, je ne puis rien dire. Mais ce que je sais, c'est qu'il avait fait effectivement des repérages, avant d'envisager le clip, en Hongrie, pour un long métrage.


Laurent Boyer : L'histoire de Mylène Farmer en clips. On va essayer de la découvrir. On va découvrir plusieurs extraits des grands clips de Mylène, et on en parle dans quelques instants. Regardez bien : Mylène Farmer...


Diffusion d'extraits de clips.


Laurent Boyer : Voilà, Mylène. On vient de découvrir les extraits des... on va appeler ça des films. Mylène Farmer, de Libertine à Tristana, tous les grands classiques. Qu'est-ce que ça te fait de revoir en fait ton histoire et presque ta carrière en clips ? C'est vrai qu'on a beaucoup associé ça, avant la scène j'entends ; c'est-àdire que l'association, c'était : "Mylène Farmer, c'est de l'image. Mylène Farmer n'existe que par l'image". Est-ce que tu as ce sentiment ? Est-ce que tu le revendiques ou est-ce que, au contraire, ça te gène, maintenant que tu as fait de la scène ?
Mylène Farmer : Non, non,. Je n'ai aucune gêne quant à mon passé. C'est quelque chose qui est, je crois, très important pour moi, l'image. C'est ce qui m'a fait connaître, très certainement. Bien évidemment, les chansons, mais c'était quelque chose d'essentiel en tout cas. Donc j'en suis très contente. Très contente. Et c'est vrai que j'avais besoin de la scène, mais, ça c'est pour mes propres émotions, pas... (silence)


Laurent Boyer : Justement, à ce propos, tu dis que, en fait, assez fréquemment, tu es en état de peur et que tu as besoin de cette peur pour oublier. Mais pour oublier quoi ? Tes angoisses ?
Mylène Farmer : Pour oublier ses angoisses, pour oublier que la vie est profondément dure et parfois laborieuse. Pour oublier beaucoup de choses qui sont trop intimes pour vous les raconter.


Laurent Boyer : D'ailleurs, tu cites quelqu'un qui s'appelle Luc Dietrich qui dit : "L'oubli c'est le sommeil de nos douleurs".
Mylène Farmer : Oui. No comment ! (rires)


Laurent Boyer : C'est ça? Tu confirmes? Y'a pas de problèmes, ça reste ça. Mais cette trouille, elle te fait du bien, elle te motive ? Par exemple, au moment de rentrer en studio, tu dis que tu as quelques angoisses. Mais quand tu parlais de ça, tu n'avais pas encore fait la scène : y'avait pas encore eu le Palais des Sports, y'avait pas eu Bercy...
Mylène Farmer : Les véritables angoisses sont quand même celles, je crois, de la scène. Le studio, c'est autre chose. En tout cas, le studio, moi je parlerais plutôt de l'écriture. Parfois, on a l'impression qu'on n'a plus de nourriture pour pouvoir aussi donner des choses. Donc, ça, c'est quelque chose qui m'a fait un petit peu peur. En sortant de scène, on est complètement vidé. Et puis, on s'aperçoit que ça se fait au fil du temps.


Laurent Boyer : Vidé de ses émotions, vidé de son trac, de ses sentiments ?
Mylène Farmer : Non. Comblé d'émotions. Mais... c'est difficile à exprimer. C'est...


Laurent Boyer : C'est un petit peu particulier quand même pour quelqu'un qui a une trouille permanente ou qui a des angoisses et une peur, de monter sur scène devant 18 000 personnes.
Mylène Farmer : Il y a une différence entre trouille et angoisse, je trouve.


Laurent Boyer : Les angoisses, c'est plus profond ?
Mylène Farmer : J'en sais rien. Enfin moi, je me résumerais comme quelqu'un d'angoissé et pas trouillard du tout, par contre. C'est quelque chose de très motivant finalement, oui.


Laurent Boyer : L'exutoire c'est l'écriture, en même temps ? Comme par exemple, tu dis que tu as eu une période d'écriture après Bercy...
Mylène Farmer : Dans un premier temps, oui, c'est l'écriture, absolument. Mais il y a beaucoup de choses à jeter. Justement, quand on a eu des émotions comme ça très, très fortes, en général, l'après émotion, c'est pas le moment pour rédiger des choses. Je crois qu'il faut attendre quelques mois avant d'essayer de s'échapper un petit peu de quelque chose de puissant.


Laurent Boyer : Tu fonctionnes presque comme une éponge. Tu as besoin de regarder ce qui se passe autour...
Mylène Farmer : La métaphore est jolie. Je vous remercie ! (rires)


Laurent Boyer : N'est-ce pas ! Je vous en prie ! J'aurais pu choisir autre chose, c'était une allégorie, il y en a beaucoup dans tes clips... C'est fonctionner comme une éponge, regarder ce qu'il se passe autour et retracer une histoire. Par contre, il y a une chose qui est étonnante, c'est que dans la plupart de tes titres, assez fréquemment, ça revient souvent, comme un leitmotiv, il y a la mort qui est là et qui est présente. Est-ce que ça fera également partie du futur album, de L'autre... ?
Mylène Farmer : Je dirais que c'est quelque chose qui est inhérent à ma vie. C'est quelque chose qui me trouble. Est-ce que ça me passionne ? Je ne sais pas bien. Oui, c'est quelque chose qui sera présent. Mais, c'est en deçà des mots. C'est pas forcément dit avec violence, non plus.


Laurent Boyer : Ça, ça fait bien partie de ton personnage. Parce que que quand on parle de toi, on a presque envie de parler de clair-obscur. On a l'impression qu'il y a des antinomies et des paradoxes permanents. Il y a la sauvage d'un côté, puis la timide de l'autre subitement...
Mylène Farmer : Elles existent. Je crois qu'on ne peut pas fabriquer pendant sept années. Je suis comme ça et je peux avoir mes moments d'euphorie, comme tout le monde, bien évidemment. Mais je crois que je suis profondément timide.


Laurent Boyer : Alors, on vient de voir une série de clips, de Sans Logique à Sans contrefaçon, ou encore TristanaLibertine. Il y en a un qu'on n'a pas vu, volontairement, qu'on va découvrir maintenant, c'est Ainsi soit je...où là, effectivement, il y a, c'est peut-être ce côté paradoxe, il s'est passé autre chose dans le tournage de ce clip. Déjà dans l'utilisation du noir et blanc et du sépia. Et puis, c'était pas une scène à grand spectacle. On n'était pas, comme ici à Budapest, dans une usine désaffectée, avec de la neige, des trains qui passent, c'est vrai... et qui repassent. Et je crois que c'est un des clips que tu préfères, c'est une des images de toi,  Ainsi soit je..., que tu aimes bien.
Mylène Farmer : Je sais pas si c'est une image que j'aime bien. Là, j'apprécie beaucoup la sobriété de ce clip. Pour le thème, le sujet et l'univers, en tout cas l'ambiance. Je crois que c'était important d'être très, très sobre, et surtout pas explicatif, pas être narratif non plus. Donc, avoir des images et suggérer des choses, c'était plus important.


Laurent Boyer : Ainsi soit je....


Diffusion du clip de Ainsi soit je....


Laurent Boyer : Ainsi soit je..., Mylène Farmer. Donc un des clips que Mylène préfère. Rentrons maintenant dans le détail : si on est ici à Budapest, donc, c'est pour vous montrer, c'est ce que vous allez découvrir, des images de ce tournage de clip. C'est une première fois, je le disais tout à l'heure, et l'on t'en remercie, avec Laurent Boutonnat et Thierry Suc, de nous avoir acceptés sur le tournage d'un clip, parce que vous êtes un peu avares d'images justement de ce travail que vous faites en équipe sur le tournage d'un clip, comme en ce moment ici, en Hongrie.
Mylène Farmer : Je ne sais pas si nous sommes avares, mais c'est assez difficile qu'une autre équipe intervienne parce que, quelquefois, un tournage, surtout comme celui-ci, c'est une grosse machinerie, donc si il y a perturbations ça peut perturber le metteur en scène et tout le monde. Et c'est vrai qu'on a un souci de garder les choses secrètes, mais parce que, moi, je suis probablement comme les enfants : j'aime encore les surprises. Donc, j'aime bien cet effet de surprise quand on a un nouveau clip ou de nouvelles chansons. C'est pour ça que je fais très peu écouter l'album avant qu'il ne sorte. C'est une manière de préserver la chose.


Images du tournage du clip Désenchantée avec l'indication : "Budapest - 22 février 1991"


Laurent Boyer : A propos de ce titre, tu parles de génération, de chaos, d'intensité... j'ai eu l'occasion d'écouter le titre une fois. C'est presque un titre d'actualité. C'est une fois de plus le malaise. Mais c'est le malaise de quoi ? D'une génération ? Y'a le mot "génération" dedans. Quelle génération ?
Mylène Farmer : Là, je suis un petit peu désolée parce que, même si le mot "génération"' existe, je parle surtout de moi. Je ne veux en aucun cas impliquer, même si j'emploie une fois de plus le mot "génération", je n'implique que moi. Maintenant, c'est vrai que si quelques personnes pensent comme moi, je dirais tant mieux ! Mais, une fois de plus, ça n'engage que moi. Je ne veux en aucun cas faire de la revendication. Et moi, me situant plutôt hors du temps et hors de l'Histoire, je préfère qu'on ne me considère que comme tel.


Laurent Boyer : Mais, c'est-à-dire pourquoi tu te places hors de tout ? Parce que rien ne te touche ? Ça m'étonne...
Mylène Farmer : Ça n'a rien à voir. On peut se situer et se placer hors de tout. C'est une manière de se protéger, c'est une manière surtout de s'échapper du monde environnant. Maintenant, je fais la même chose que vous toute la journée, probablement. Mais en aucun cas, je ne me servirais de l'actualité présente. Non pas parce que ça ne me touche pas, ce serait cruel de dire ça, mais parce que ce n'est pas mon propos que de parler de ça.


Images du tournage du clip Désenchantée 


Laurent Boyer : Parle-moi un petit peu de Désenchantée. Vous êtes venus ici, à Budapest, tu l'as dit tout à l'heure, pour des raisons de tournage. Je sais que Laurent et toi vous aimez bien la neige, vous aimez bien l'humeur de cet endroit, la Hongrie. Mais dans le clip, on voit des jeunes enfants - il y a une centaine de figurants hongrois - avec des têtes très particulières, grimés, masqués, habillés peut-être un peu comme toi...
Mylène Farmer : Tout à fait. Même encore plus sales ! (rires)


Laurent Boyer : Encore plus sales ! Assez minimaliste dans la tenue. Alors, pourquoi ce choix ? D'où a été l'inspiration de ce choix ?
Mylène Farmer : Là, j'avoue qu'il est né probablement d'un amour commun, de Laurent et moi-même, pour tout ce qui est Dickens, qui est Oliver Twist. On aime beaucoup, tous les deux, David Lean qui avait réalisé, je crois que c'était un de ses premiers longs métrages, qui était Oliver Twist, qui était absolument magnifique. Et c'est surtout cette approche du conte qui est permanente.


Laurent Boyer : Oui, ça reste un petit peu dans ce qu'on a vu déjà chez toi...
Mylène Farmer : Oui


Laurent Boyer : ... dans les histoires qui avaient avant, dans les scénarii qui avaient été développés. C'est toujours un conte et une histoire. Tu aimes les histoires. Tu aimes les fins, aussi, qui sont pas forcément belles. C'est que tu dis à propose du cinéma.
Mylène Farmer : Oui. J'aime les fins, je crois que je préfère même les fins tragiques.


Laurent Boyer : Tu fais beaucoup de reproches d'ailleurs au cinéma français à ce sujet-là.
Mylène Farmer : Je le fais dans ma vie privée. Et en privé, très souvent, je... Non, je ne ferai pas de grands discours sur le cinéma français. J'ai l'impression effectivement que le cinéma français, en tout cas le cinéma français d'aujourd'hui me touche moins qu'un autre cinéma : le cinéma russe, le cinéma américain parfois, le cinéma anglais. Maintenant il y a toujours des...


Laurent Boyer : Tarkovsky, par exemple, dans le cinéma russe ?
Mylène Farmer : C'est quelqu'un que j'aime beaucoup. J'aime beaucoup Bergman. J'aime beaucoup David Lean qui malheureusement a arrêté de tourner, je crois. J'aime beaucoup David Lynch. Mais j'aime aussi... Il y en a beaucoup.


Laurent Boyer : On a presque l'impression, dans Désenchantée, dans le clip, que c'est un univers carcéral mais, particulier...
Mylène Farmer : On a essayé en tout cas d'avoir quelque chose d'intemporel. C'est pour ça aussi le choix de ces costumes, parce qu'on ne peut pas tout à fait situer l'époque. Alors, ça se situe effectivement dans un milieu carcéral. Il y a une autorité autour de ces enfants. Qu'est-ce qu'on peut dire ? Et, que ces enfants n'ont rien à perdre, donc il leur reste comme solution la révolte et c'est ce qui va se passer dans le clip.


Laurent Boyer : Je me souviens, qu'à une époque, enfin j'ai lu ça quelque part, sans forcément parler de ton histoire, que quand tu étais petite, tu passais beaucoup de temps dans les hôpitaux psychiatriques. Tu as fait ça pendant un petit moment ?
Mylène Farmer : Ce n'était pas des hôpitaux psychiatriques. C'était d'ailleurs l'hôpital de Garches qui a beaucoup d'enfants handicapés, moteurs et mentaux effectivement. Je m'en suis... en tout cas j'en ai un souvenir, j'ai eu l'impression de m'en occuper beaucoup. J'y allais très souvent le dimanche. J'étais assez petite.


Laurent Boyer : Mais c'est pas un truc de petite fille, ça ! C'est quand même assez original, comme attitude...
Mylène Farmer : Je sais pas bien. J'avais probablement besoin d'aller vers quelqu'un, vers les autres en tout cas. Mais, c'est bouleversant, c'est passionnant. Peut-être que j'y retournerai un jour. Peut-être.


Laurent Boyer : Ça n'a pas de rapport avec ça, comme par exemple l'encadrement, toute la structure qui est autour des enfants du clip ?
Mylène Farmer : Peut-être inconsciemment. Là j'avoue que je... (rires)


Laurent Boyer : Y'a pas d'incidence ?
Mylène Farmer : Effectivement, il y a des acteurs, il y a de jeunes enfants, qui sont handicapés. Et on s'est aperçu... il y a une anecdote absolument magnifique : qu'un enfant handicapé, qui est donc sur le tournage, et qui s'est adapté au tournage en quatre jours. Et son éducatrice nous a dit qu'en quatre jours, il avait fait des progrès peut-être de six mois. Donc, c'est une jolie récompense.


Laurent Boyer : Ça fait partie des récompenses. Ça, j'allais dire c'est un côté humaniste ? L'humanité de Mylène qui est toujours présente...
Mylène Farmer : Non... (en baissant les yeux)


Laurent Boyer : Comment tu vis avec touc gens, comment tu échanges avec tous ces jeunes hongrois qu'on voit là ?
Mylène Farmer : C'est un échange uniquement de regards puisque nous n'avons pas la même langue et que les interprètes ne sont pas toujours là pour traduire. Ce sont des regards et puis... Ce sont surtout des gens... Tous ces figurants ne jouent pas. Ils sont très, très justes. Enfin, ils jouent, mais en aucun cas ne surjouent, et c'est ce qui est fascinant. Ils ont une spontanéité. Et on a l'impression qu'ils sont nés dans ces costumes, dans cette époque. Et ça, j'avoue que c'est un plus pour le tournage.


Laurent Boyer : Je crois que c'est un parti pris. J'ai eu l'occasion de discuter avec ce qu'on appelle un casting producer ici. Il m'a dit que, dans le choix des gens, il y avait peu de comédiens, hormis la matonne...
Mylène Farmer : Absolument, oui.


Laurent Boyer : Il y a des délinquants, il y a des jeunes enfants de l'école...
Mylène Farmer : Il y a de tout, oui. Ce sont des gamins de la rue. (rires)


Laurent Boyer : Avec leurs réactions. C'est-à-dire quand on vit à Budapest, quand on a vécu ce qu'on a vécu, avec l'histoire qu'on a eue, dans une ville qui, somme toute, quand on se promène un peu ici, on sent que c'est pas forcément réjouissant, au niveau de l'humeur et de l'âme...
Mylène Farmer : C'est en tout cas habité.


Laurent Boyer : C'est ça. Il y a une âme, mais on sent qu'il y a une pression...
Mylène Farmer : Il y a une dureté et il y a une... oui il y a une dureté réelle.


Diffusion d'images de Laurent Boutonnat tournant la scène finale de Désenchantée.


Laurent Boutonnat : On a une scène avec tous les figurants, avec Mylène. (...) C'est un raccord à faire sur ce petit monticule. Nous, on est derrière, avec la caméra. On va faire brûler des pneus pour avoir une grosse fumée noire, pour être raccord avec l'usine d'hier où il y avait le feu, etc. Ils sont censés donc  s'échapper de l'usine et ils vont descendre de cette petite colline pour courir dans cette immense plaine, vers rien.


Laurent Boyer : Ce sera le dernier plan du clip ?
Laurent Boutonnat : C'est l'amorce des derniers plans, en fait. C'est le premier plan où ils s'échappent de cette prison / usine comme ça pour partir dans la plaine. Et après, on a plusieurs plans à faire de leurs visages qui courent...


Laurent Boyer : Ça a été un bonheur pour toi d'avoir cent figurants, de jeunes hongrois ?
Laurent Boutonnat : Oh oui, oui, oui. C'est formidable !


Laurent Boyer : Pas trop difficile à gérer ?
Laurent Boutonnat : Non. Parce qu'il y a une équipe très solide qui tient bien tout ce monde-là. Ils ont des têtes extraordinaires en plus. Il y a une chose de formidable ici, c'est qu'ils sont... Ils jouent bien. C'est même pas jouer... ça leur plaît de faire ça. Donc c'est presque naturel.


Laurent. Boyer : C'est peut-être mieux que des comédiens ? Ils ne surjouent pas !
Laurent Boutonnat : Ah oui ! C'est impossible, les comédiens ! C'est impossible ! Mais, ils ont quelque chose de naturel. Comme ils n'ont jamais fait ça de leur vie, ils ont une espèce de maladresse. Mais, formidable. T'as l'impression qu'ils ont fait ça toute leur vie, que ce sont de grands professionnels.


Laurent Boyer : T'as voulu tourner ici, ça s'appelle la puska...
Laurent. Boutonnat : La puszta.


Laurent Boyer : C'est quelque chose d'énorme. C'est la plaine hongroise, en fait. Le ciel se rejoint avec la terre.
Laurent. Boutonnat : Absolument. La Hongrie est un pays plat où il n'y a que des plaines. Et tout le centre de la Hongrie, c'est ça sur des centaines et des centaines de kilomètres avec rien. Et c'est très impressionnant, surtout avec la neige. On a l'impression que le ciel et la terre se rejoignent et que y'a rien. C'est le néant. Et, c'est beau.


Diffusion d'images du clip et de pubs.


Laurent Boyer : (...) Dans un lieu un peu particulier, qui est un lieu de tournage, celui que Mylène Farmer et Laurent Boutonnat ont choisi pour ce clip, Désenchantée, qu'on va découvrir dans quelques instants puisque vous allez le découvrir pour la première fois sur M6, presque en exclusivité, parce qu'il est pas passé beaucoup avant. On a parlé un petit peu de ce clip, de la façon dont tu as travaillé. Alors toi, c'est ta tenue permanente, on va dire la tenue Dickens, c'est un petit peu ça. Et puis, un travail de maquillage. Tu n'hésites pas à te grimer. Là, on voit que tu as effectivement la petite trace de sang. Tu as beaucoup souffert dans ta vie...
Mylène Farmer : Je me suis fait très mal ici (Mylène indique sa lèvre fissurée). C'est parce que j'ai reçu des pierres. Donc, fatalement, je me suis coupée avec une pierre.


Laurent Boyer : Il y a autre chose que tu as coupé, ça tout le monde l'aura remarqué. J'ai pas sauté dessus tout de suite... (référence au fait que Mylène a récemment coupé ses cheveux, ndlr)
Mylène Farmer : C'était élégant ! (rires)


Laurent Boyer : Merci !
Mylène Farmer : Ils sont coupés !


Laurent Boyer : C'était un choix ? Moi, je trouve que ça va de plus en plus dans ton côté... pourquoi j'allais dire : androgyne ?
Mylène Farmer : Allons bon !


Laurent Boyer : Est-ce qu'il y a mot qu'on pourait utiliser ? Peut-être "différente" ? Ce côté masculin. Oui, ce côté masculin. On sait pas trop, quoi. Cette image un peu masculine et féminine. Le fait de couper les cheveux, tu sacrifies au mythe. Enfin, au mythe:  pas les cheveux ! (rires) Mais la coupe, on va dire : "Mylène Farmer, décidément, est de plus en plus masculine"..
Mylène Farmer : Oh non, je ne pense pas, non. En tous cas, ce n'est pas mon souhait. Et je pense qu'on peut avoir des cheveux très courts et être très féminine quand même.


Laurent Boyer : Un exemple : Katharine Hepburn.
Mylène Farmer : Audrey Hepburn ! Katharine Hepburn a eu les cheveux longs plutôt, elle. Mais, elle, avait une façon de s'habiller très, très féminine, mais toujours avec des pantalons. Très sobre. Que puis-je vous dire sur la coiffure ? Rien ! (rires)


Laurent Boyer : Sinon que t'avais envie de le faire et que ça fait causer, quoi !
Mylène Farmer : Ça, c'est vous qui le dites que ça fait causer ! Moi, j'avais tout simplement envie de changer de tête. C'était important pour moi. Et puis, c'est plus facile de se coiffer quand on a les cheveux courts !


Laurent Boyer : J'aime quand on parle de pratique comme ça. C'est bien !  Mylène Farmer, Désenchantée, le clip, on le regarde tout de suite.


Diffusion du clip Désenchantée en version courte.


Laurent Boyer : On a parlé tout à l'heure des enfants hongrois, on en a beaucoup parlé, de ce choix, du lieu bien sûr. Alors, il y a une infrastructure et une équipe assez importantes. Il y a beaucoup de gens sur ce tournage...
Mylène Farmer : Je crois qu'il y a à peu près cent vingt personnes, mais il y a surtout douze personnes enfin, "surtout" parce qu'elles viennent de Paris, il y a douze personnes dans l'équipe technique.


Laurent Boyer : Des français, donc ?
Mylène Farmer : Des français, absolument.


Laurent Boyer : Avec qui vous avez l'habitude de travailler ?
Mylène Farmer : Oui. Jean-Pierre Sauvaire, qui est chef opérateur. Carine Sarfati qui est aux costumes. Et beaucoup d'autres et je m'excuse de ne pas les citer.


Laurent Boyer : C'est une équipe de copains, ça. C'est des gens avec qui vous travaillez fréquemment. On a l'impression que c'est presque une famille...
Mylène Farmer : Oh oui ! C'est des gens de grande qualité humaine et professionnelle. C'est vrai que c'est un plaisir, à chaque fois, de les réunir à nouveau.


Laurent Boyer : On voit pas de chevaux dans ce clip !
Mylène Farmer : Non.


Laurent Boyer : Y'a pas le...
Mylène Farmer : Le syndrome chevaux ! (rires) Non, il n'existe pas ! Non, non.


Laurent Boyer : Y'a pas le cadre noir, et pourtant, ça fait partie de ton histoire ça, quand même...
Mylène Farmer : Ça, c'est la presse qui est allée un petit peu trop loin. J'ai fait beaucoup d'équitation dans ma jeunesse. J'ai effectivement fait un passage, mais très bref, à Saumur, mais c'était pour envisager de passer le monitorat. Donc ça a été très, très bref. La presse s'est emparée de ça et en a fait une grande monitrice d'équitation. Mais, je n'en suis pas là.


Laurent Boyer : Ça faisait pas partie de tes aspirations. En fait, chanter non plus, vraiment ?
Mylène Farmer : Non, ce n'était pas une vocation. Mais c'est quelque chose de... C'est probablement un cadeau de la vie qui m'a été fait.


Laurent Boyer : Est-ce que c'est une chance qui passe à un moment donné ? Est-ce qu'il faut la saisir cette chance ? Au moment où tu as rencontré Laurent sur le premier 45 tours, il y a une petite voix qui t'a parlé ?
Mylène Farmer : C'est l'autre, justement ! (sourire)


Laurent Boyer : C'est l'autre ?
Mylène Farmer : Oui. C'est une petite voix. C'est une chance et une évidence à la fois. C'est-à-dire que quand j'ai rencontré Laurent... Tous les deux, nous sommes nés de la même chose. Donc, c'est quelque chose de très fort et très beau, en tout cas pour ma vie.


Diffusion d'images du tournage du clip.


Laurent Boyer : Autre chose qui a probablement été très bon, on en parlait tout à l'heure, de tes émotions, de ta peur, de ce qui te motive, de ce qui te fait avancer : ça a été la scène. Ça a été le Palais des Sports, ça a été Bercy, par la suite. Moi, je t'ai vue dans les deux cas. Je t'ai vue pleurer sur scène, pleurer d'émotion sûrement, d'intensité. Est-ce que ça, c'est l'avènement pour toi ? Le parcours a été long, de 84 à 89, à cette scène. Est-ce que ça représente l'avènement ? Et est-ce que ça te manque déjà, l'absence de scène depuis à peu près un an ? Ça fait un an qu'on n'a pas eu d'échos de Mylène.
Mylène Farmer : Je ne sais pas si on peut parler d'un manque. C'est très troublant, la scène. En tout cas, la façon dont moi j'ai abordé la scène et la façon dont je l'ai ressentie, c'est quelque chose de très troublant. Donc c'est quelque chose qui marque énormément. Là aussi, c'est difficile pour moi d'en parler parce que c'est très riche. C'est... Je ne sais pas. C'est une grande émotion. Maintenant, je pourrais dire beaucoup, beaucoup d'autres choses, mais c'est délicat pour moi parce que je...


Laurent Boyer : Est-ce que c'est une émotion passée ou est-ce que c'est une émotion qui implique le fait d'être en désir justement de cette émotion ?
Mylène Farmer : C'est une émotion, non, qui fait partie maintenant de mes souvenirs. Mais, dans la mesure où c'est aujourd'hui, je peux le considérer comme étant du passé, donc c'est quand même... Comment vous dire ? C'est une plaie. En tout cas, dans mon souvenir, c'est une plaie parce que c'est quelque chose que je n'ai plus, actuellement. Ce qui ne veut pas dire que j'ai envie d'y retourner tout de suite non plus. J'ai envie de vivre dans ma vie des choses très, très fortes. Donc, je sais que je ne pourrai pas les renouveler quotidiennement. Donc je sais que ma première fois sur scène, c'était quelque chose d'incroyable pour ma vie. Et c'est vrai que... est-ce que je ressentirais les mêmes choses si je remonte une deuxième fois sur scène ? C'est la question, en fait, que je me pose. Donc, c'est en ce sens que c'est très déstabilisant.


Laurent Boyer : Qu'est-ce qui peut t'inspirer justement un désir aussi fort, où tu te dis : "Tiens, si je faisais ça, j'aurais peut-être une émotion encore plus forte" ? Y'a le cinéma, probablement ? On t'a proposé d'ailleurs des rôles au cinéma. Garcia t'a proposé un rôle, il me semble...
Mylène Farmer : Vous me surprenez parce que, moi, je n'en ai jamais parlé.


Laurent Boyer : Ah oui ? C'est des échos, alors. Des bruits... Mais, c'est vrai ou pas ?
Mylène Farmer : Non... mais c'est pour dire que je n'en ai jamais parlé. C'est vrai que j'ai rencontré Nicole Garcia. J'ai vraiment souhaité la rencontrer. J'avais ce projet de scène, donc il a fallu choisir et c'était évident pour moi. Ce n'était même plus un choix. Mais j'ai quand même souhaité la rencontrer. J'aime bien cette femme. J'ai eu quelques propositions. J'attends. J'attends parce que ce ne sont pas encore les bonnes. Et que j'y mettrai, je dirais, la même démesure et la même passion pour aborder ce thème-là. Mais c'est... J'attends. Voilà.


Laurent Boyer : Peut-être, alors. Qui sait ? On parlait d'émotion à l'instant. L'émotion, l'intensité. C'est extrait d'un double album qui est sorti. C'est également la cassette vidéo live du Palais Omnisports de Paris Bercy. (le concert a en fait été filmé à Bruxelles, ndlr) C'est Mylène Farmer sur scène. Plus Grandir. Regardez.


Diffusion du clip Plus Grandir (live).


Laurent Boyer : Plus Grandir, à l'instant. C'est la scène, c'est Mylène Farmer en scène. Mylène nous en parlait à l'instant, avec cette émotion nette et intense qu'était cette scène. A propos de ton succès, parce que tu as quand même du succès, tu es...je sais pas si on peut dire star ou vedette...
Mylène Farmer : J'en sais rien. C'est pas mon problème.


Laurent Boyer : Par contre, il y a une réflexion que tu t'es donnée à toi-même une fois dans une interview, tu t'es toi-même posée la question, et tu y as répondu, et j'ai trouvé ça assez intéressant. Tu dis : "Si le succès se meurt, je serais dans une solitude incommensurable et presque insupportable". Alors, ça aussi, c'est le paradoxe du personnage puisque tu viens de me dire : "Bof, je m'en fous, c'est pas mon problème. Je suis star, je suis vedette, c'est pas...".
Mylène Farmer : Non, mon problème n'est pas le mot qu'on emploiera pour définir. Mais mon vrai problème, c'est d'exister, et donc d'avoir le regard des autres posé sur moi, d'avoir quelqu'un qui m'écoute. Et ça, c'est... C'est vrai ! Pourquoi je fais ce métier ? C'est parce que j'ai besoin de ça pour vivre.


Laurent Boyer : C'est le désir, l'amour des autres. Probablement le désir de donner aussi...
Mylène Farmer : Bien sûr. Ça c'est...Oui, bien évidemment. Oui.


Laurent Boyer : Est-ce que tu projettes un petit peu, on parlait cinéma tout à l'heure, on parlait émotion, est-ce que justement de temps en temps tu arrives à projeter dans l'avenir et te dire : "Est-ce que je continuerai à faire ça ?" ? C'est-à-dire un album tous les trois ans - c'est le troisième album, là, donc un temps d'écriture assez long -, une scène... Je me demande si tu es capable de tomber dans une routine. C'est-à-dire tous les trois -quatre sortir un album, faire une scène, sortir un album, faire une scène et des clips.
Mylène Farmer : Non, parce que je pourrais dès le prochain alum remonter sur scène. Non, je ne peux pas me projeter dans l'avenir. Quand je pense à l'avenir, je vois l'échec donc c'est quelque chose qui... je préfère ne pas y penser. Et j'y pense malgré tout !  Mais c'est pas une grande quiétude en tout cas.


Laurent Boyer : On a l'impression qu'il y a un mal de vivre permanent chez Mylène Farmer...
Mylène Farmer : Oh, je ne voudrais pas n'émaner que ça, mais je... Que dire ? Oui, appelons ça le mal de vivre. Appelons ça une incompatibilité avec la vie, en tout cas.


Laurent Boyer : Avec les autres, des fois ?
Mylène Farmer : Avec les autres, mais ça nous sommes tous pareils.


Laurent Boyer : L'enfer c'est les autres, quoi !
Mylène Farmer : Oui. Bravo ! (rires)


Laurent Boyer : Je vous en prie. Ne vous inquiétez pas, on a un camion qui nous arrive dessus ! (on voit à larrière plan un camion se diriger vers eux) On est vraiment sur les lieux du tournage de ce clip !  Y'a même des coups de mitraillettes de temps en temps. C'est l'apocalypse quoi ! Voilà, merci, c'est gentil. Ne changez rien. Restez où vous êtes. On s'installe et on continue dans le même esprit. Mylène, on va regarder Désenchantée une autre fois... Ah, je voulais quand même dire une chose. L'album n'est pas encore sorti, il sortira sous peu. Par contre, il y a une chose que tu as faite et qu'on n'attendait pas forcément, c'est un duo avec quelqu'un, sur cet album, avec Jean-Louis Murat. Alors là aussi, il y a une rencontre un peu particulière. Cette rencontre est née de quoi : de ton désir, du sien ?
Mylène Farmer : Ça, je vais garder ça mystérieux. Je crois que c'est né de toute façon d'un désir commun. Et voilà... Nous nous sommes rencontrés et on a décidé de chanter cette chanson ensemble. Et je suis très heureuse d'avoir rencontré Jean-Louis. J'aime beaucoup sa voix, d'abord, et j'aime surtout sa façon d'écrire. Et c'est quelqu'un qui a réellement un univers. C'est pour moi - je ne sais pas s'il appréciera le compliment, c'en est un pour moi - c'est un poète d'aujourd'hui. C'est quelqu'un qui me touche beaucoup.


Laurent Boyer : Mylène Farmer, Désenchantée.


Diffusion du clip Désenchantée dans sa version intégrale.


Laurent Boyer : Désenchantée, Mylène Farmer. On est sur le tournage de ce clip. L'album sort le 8 avril, je vous le rappelle. Cet album s'appelle L'autre.... Le 45 tours, vous le connaissez puisqu'on l'entend en radio, déjà, depuis le 18 mars. Mylène, après ce tournage, après Budapest, ça va être quoi ? Ça va être promotion ? Quelques télés... Très peu, d'après ce que je sais.
Mylène Farmer : Très peu de télés, oui.


Laurent Boyer : Merci de nous avoir accordé cette interview, surtout ici.
Mylène Farmer : Merci d'être venus.


Laurent Boyer : Je t'en prie. On se remercie encore ! Et puis après, ça va être peut-être un peu de repos, t'occuper des animaux. Tu as toujours des animaux ?
Mylène Farmer : J'ai toujours mes deux singes.


Laurent Boyer : Oui, c'est ça.
Mylène Farmer : Et, quant au repos, non. Définitivement, je déteste le repos et l'oisiveté.


Laurent Boyer : Tu t'ennuies ? Ça t'ennuie, le repos ?
Mylène Farmer : Oui. Je m'ennuie. Ça m'inquiète beaucoup. Beaucoup !


Laurent Boyer : Mylène, merci d'avoir été avec nous. Et puis, on se retrouvera probablement prochainement. On ne sait pas. Qui sait ?
Mylène Farmer : D'accord.


Laurent Boyer : Merci. C'était ici, à Budapest, et elle va continuer le tournage du clip. Et il fait de plus en plus froid, je vous l'aassure. (rires de Mylène) Ah ! Tu nous avais parlé d'une chose, qui te passionnait me semble-t-il. Là, tu nous as amené à Budapest, je sais que ton rêve, ce serait de faire un reportage sur la banquise.
Mylène Farmer : Oui, absolument.


Laurent Boyer : C'est toujours vrai ?
Mylène Farmer : C'est toujours vrai.


Laurent Boyer : Je sais pas si j'irai t'interviewer sur la banquise ! (rires) Ça s'arrange pas ! Merci Mylène.
Mylène Farmer : Merci.


Laurent Boyer : A bientôt.
Mylène Farmer : Au revoir.